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Le pouvoir d’achat, enjeu national ou européen ?
Ce premier trimestre 2024 confirme le reflux de l’inflation, après un pic inédit à 11% à l’échelle de l’Union européenne qui avait marqué l’automne 2022, dans la conjonction de la sortie de crise de la Covid-19 et de l’invasion russe en Ukraine qui avait fait flamber les prix de l’énergie.
Avec un taux qui se situe désormais autour de 3% en moyenne au sein de l’UE, les prix augmentent aujourd’hui moins vite, mais l’inflation cumulée depuis 2022 pèse sur le pouvoir d’achat des Européens.
D’après les données d’Eurostat, la France, qui avait été avec l’Espagne un des pays européens à avoir le mieux contenu l’inflation en 2022 (autour des 8% alors qu’il s’était envolé à 20% dans les pays baltes), affiche désormais un taux à 3,4%. Un peu au-dessus de la moyenne, la France enregistre un ralentissement plus modéré (quand l’Italie ou le Danemark sont passés sous les 1%).
Alors que les élections du Parlement européen approchent, quelles sont les perceptions des Européens à la suite de cette période d’inflation inédite ? L’Union européenne est-elle perçue comme un bouclier efficace sur le plan économique ? Et quel impact peuvent avoir les préoccupations à propos de l’inflation dans la campagne et le vote à venir ?
1. Des Européens toujours très marqués par l’inflation et l’insécurité économique
Après deux années économiquement difficiles, les Européens restent sur leur garde par rapport aux perspectives d’amélioration. Même si les tendances recueillies dans le dernier Eurobaromètre mené par l’institut Verian à l’automne 2023 montrent un recul des perceptions négatives, elles restent majoritaires que ce soit à propos de leur situation personnelle ou de celle de leur pays.
50% des citoyens de l’eurozone pensent ainsi encore que l’inflation sera plus forte cette année que l’an passé (contre 79% l’an passé) et 73% des Européens (EU28) pensent que leur niveau de vie va diminuer dans l’année à venir (contre 79% six mois plus tôt). Plus largement, si 46% des Européens s’attendent à ce que leurs conditions de vie restent stables, 38% envisagent une dégradation à l’avenir. S’agissant de la situation économique de leur pays, 31% des Européens pronostiquent de la stabilité, mais 52% jugent qu’elle va se dégrader. Les citoyens les plus fragiles, issus des classes populaires et à faible niveau de diplôme, sont ceux présentant les craintes les plus prononcées.
Il existe cependant des disparités dans le niveau de pessimisme des Européens et les Français font plutôt partie des peuples les plus négatifs. S’ils se situent dans la moyenne de l’euro zone avec 47% de craintes de croissance de l’inflation, ils sont en revanche bien plus pessimistes sur les retombées économiques : 86% des Français pensent que leur niveau de vie va baisser (+13pts par rapport à la moyenne européenne), 54% anticipent une dégradation de leurs conditions de vie (+16pts) et 65% une dégradation de l’économie du pays (+13pts).
2. Des préoccupations fortes sur le pouvoir d’achat
Compte tenu des craintes relatives à l’insécurité économique, il n’est pas étonnant de retrouver la question du pouvoir d’achat au cœur des préoccupations des citoyens européens, autant comme un problème du quotidien pour eux-mêmes, que comme un enjeu prioritaire dans leur pays.
Ainsi, à l’exception des pays nordiques, 57% des Européens placent encore à l’automne 2023 « la hausse des prix/ l’inflation/ le coût de la vie » comme le problème le plus important auquel ils font face personnellement. Le diagnostic est massivement partagé, arrivant 40 points devant d’autres problèmes, que le pays possède l’euro ou non, et stable dans le temps. Les Français sont 61% à juger ce problème prioritaire, dans les mêmes proportions que les Belges, les Espagnols, les Allemands ou encore les Irlandais.
S’agissant des problèmes auxquels leur pays fait face, 44% des citoyens européens citent également le pouvoir d’achat, le plaçant en première position, 24pts devant l’immigration ou encore 31pts devant l’environnement. Les classements varient d’un pays à l’autre mais l’inflation est citée en 1e dans 20 Etats membres et dans le top 3 de quasi tous les Etats membres. Les Français s’alignent sur cette forte préoccupation, citant l’inflation à 44%, devant l’insécurité (21%) et l’immigration (17%).
L’enjeu du pouvoir d’achat est également porté à l’échelle européenne mais dans une moindre mesure. L’inflation se situe en effet à la 4e place parmi les problèmes auxquels l’UE doit faire face selon les Européens, à 20%, derrière l’immigration, la guerre en Ukraine, et les enjeux internationaux. Les Français placent l’inflation parmi les enjeux de l’UE légèrement plus haut, en 2e position après l’immigration à 23%.
3. Un rôle protecteur de l’UE mitigé en matière économique
Sollicités sur les priorités du futur Parlement européen, les Européens placent en première position la lutte contre la pauvreté et l’exclusion à 36%, et le travail en 4e position à 29%. De la même façon, dans les enquêtes préélectorales parues en France, les préoccupations sur le pouvoir d’achat arrivent en tête des critères déclarés pour motiver son choix de vote : dans ce contexte, quel rôle est attendu de la part de l’UE et quel impact sur la campagne des européennes pourrait-on envisager ?
L’Union européenne, dans l’ensemble, continue de convaincre. Elle apparait majoritairement comme un atout aux yeux des Européens. 70% pensent par exemple que l’UE est « un endroit stable dans un monde troublé » (64% en France) et 72% affirment que leur pays a bénéficié de l’appartenance à l’UE (70% en France). Cependant, sur le volet économique, le rôle protecteur et avantageux de l’UE est plus mitigé.
D’un côté, elle semble rassurer comme acteur supranational de l’économie et du commerce mondial. Les idées selon lesquelles l’économie nationale serait plus performante hors de l’UE, ou que « l’UE rend plus vulnérable dans la mondialisation » ne sont que peu soutenues, que ce soit en France ou dans le reste de l’UE. 69% des Européens pensent au contraire que l’UE a « suffisamment de pouvoirs et d’outils pour défendre les intérêts économiques de l’Europe dans l’économie mondiale », même si certains pays sont moins convaincus que d’autres : les Français figurent sur ce point parmi les plus sceptiques à seulement 52%.
Pour autant aux yeux des Européens, l’UE reste avant tout valorisée pour le maintien de la paix, ainsi que la coopération entre Etats membres. Les apports en termes de croissance économique pour son pays et d’opportunité de travail n’arrivent respectivement qu’en 3e et 4e positions et le niveau de vie seulement en 7e position.
Parmi eux, les Français se trouvent à nouveaux parmi les moins convaincus. Surtout, les Français craignent ils davantage que les autres que l’UE mette en danger l’emploi des Français (22% +4pts par rapport à la moyenne des Européens) ou encore que l’UE fasse baisser le niveau de vie dans le pays (25% +8pts).
Nul doute que des éléments de preuve sur l’efficacité de l’UE dans le domaine économique pourraient constituer, à l’issue de la campagne, des leviers forts d’incitation au vote.
Laure Salvaing
Directrice générale Verian France
Chloé Alexandre
Chargée d'études
Les résultats présentés sont issus des enquêtes de l’Eurobaromètre « Flash » 538 sur l’Eurozone, de l’Eurobarometre « Standard » 100 d’octobre 2023 et du Parlemeter 100.1, réalisés pour la Commission et le Parlement européens.
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